Recommandations contre le dopage

Pr Jean Langlois

Bulletin de l'Ordre des médecins - janvier 1999

1- La situation présente comporte des risques de poursuites, judiciaires et disciplinaires, en raison des infractions relevées au code de la santé publique, au code pénal et au code de déontologie.

2- La loi du 19 juin 1989 définit et interdit le dopage. L'article 1er précise : « L'utilisation, au cours des compétitions et des manifestations sportives organisées ou agréées par les fédérations sportives en vue d'y participer, de substances ou procédés, de nature à modifier les capacités ou à masquer l'emploi de substances ou procédés ayant cette propriété, sont déterminés par arrêté conjoint des ministres chargés des Sports et de la Santé. » Il mériterait d'être complété par extension à la phase d'entraînement, de préparation, de sélection de l'athlète et aux compétitions de toute nature. Une nouvelle loi est en préparation (projet n° 941 à l'Assemblée nationale). Elle est destinée à remplacer la précédente jusqu'ici peu appliquée...

3- Certains pensent encore que l'encadrement médical du dopage pourrait être défendu : cela permettrait, selon eux, de répondre aux sollicitations du sportif, de la structure sportive et de ses dirigeants, tout en garantissant la santé de l'intéressé. Une telle position favorable à l'action du médecin dans le dopage ne peut être maintenue : d'abord, parce qu'elle méconnaît la loi du 19 juin 1989 encore en vigueur ; de plus, parce que ces pratiques sont dangereuses pour le sportif. Ce n'est, ni au nom de l'éthique sportive, ni à celui de l'esprit olympique, que cette position retenue par le législateur est également prise par l'Ordre des médecins. C'est en raison de la dangerosité de certains procédés et surtout des produits actuellement utilisés et contraires à la protection de la santé du sportif...

Une telle prescription médicale serait en effet inacceptable dès lors, que ces produits seraient proposés à un sujet sain, même avec son consentement, et que le risque encouru n'aurait pas la justification d'une thérapeutique destinée à lutter contre une maladie.

4- En application de la loi de 1989, le ministère de la Santé avait arrêté une liste de médicaments interdits chez le sportif à l'occasion des compétitions. Cette liste est régulièrement mise à jour. Le médecin a l'obligation de se soumettre à une telle réglementation.

5- Dans l'exercice des soins, le médecin traitant reste cependant autorisé à prescrire certains de ces médicaments, conformément à l'AMM, quand il constate que le sportif est atteint d'une maladie nécessitant le traitement. Le médecin est tenu d'en informer le sportif et de se soumettre à la réglementation en vigueur.

6- Il est bien évident qu'il est interdit au médecin de prescrire et de laisser utiliser des produits d'origine étrangère non autorisés par la loi et la réglementation françaises (même s'ils sont autorisés dans ces pays) et encore moins à usage vétérinaire. Tout écart en ces domaines est répréhensible.

7- Le médecin qui conseille, suit et/ou soigne un sportif ne peut accepter de participer ainsi à des soins non justifiés ou contraires aux dispositions législatives. Tout soin décidé ou proposé par des non-médecins s'inscrit dans le cadre de l'exercice illégal de la médecine. Il est tenu de respecter les articles L 372, L 375 et L 376 du code de la santé publique, ainsi que l'article 30 du code de déontologie. Il ne peut être complice de ce qu'il peut découvrir ou constater. Il a le devoir d'en alerter le sportif Sans déroger au secret professionnel dû à ce dernier, il lui est conseillé de dénoncer le dopage chaque fois que possible.

8- La législation actuelle n'autorise pas le médecin à déroger au secret médical (article 4 du code de déontologie) et professionnel (article 22613 du code pénal) qui est dû au sportif, par analogie aux devoirs généraux du médecin. Les instances du sport et le sportif lui-même font appel au médecin dans le but de préserver la santé de l'athlète et uniquement pour cela.

9- L'indépendance professionnelle du médecin est garantie par la loi et le code de déontologie (articles 5 et 83), c'est l'intérêt du sportif, c'est aussi celui du médecin. De ce fait, les relations entre le médecin, d'une part, le sportif, les structures et leurs dirigeants et animateurs, d'autre part, doivent être codifiées par un contrat écrit. Ce contrat doit être communiqué au Conseil départemental du lieu d'exercice du médecin (article 84 du code de déontologie).

10- Tout médecin ayant une activité spécifique en milieu sportif doit s'assurer d'être couvert pour toute recherche de responsabilité.

11- Lorsque l'organisation sportive qui emploie le médecin est une structure d'État, un statut peut devenir nécessaire en lieu et place du contrat. Les modalités prévues doivent être compatibles avec l'exercice professionnel du médecin, le code de la santé publique et le code de déontologie (article 84).

12- Le médecin de contrôle, les experts mandatés par les pouvoirs publics sont soumis aux dispositions légales liées à leur fonction. Ils sont également soumis au code de déontologie, notamment en ce qui concerne le secret professionnel et les relations avec le sportif et les médecins (articles 100 à 104 et 105 à 108 du code de déontologie).

13- Il parait aussi indispensable que les fonctions du médecin agissant dans le sport soient clairement établies et qu'il ne puisse y avoir de confusion possible entre le médecin « soignant » ou qui assure « la prévention » et celui qui exerce des fonctions administratives, de contrôle et/ou d'expertise. Les articles du code de déontologie 99, 100 et 105 doivent donc être strictement observés.

14- En pratique médicale, le consentement de l'intéressé (article 36 du code de déontologie) et son information loyale claire et appropriée par le médecin (article 35 du code de déontologie sont requis. Il est notamment écrit que cela concerne « la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille ». Il apparaît ainsi que, comme le malade, le sportif est également concerné.

Même si le médecin n'a qu'une activité de soins sporadique et non rémunérée dans une structure sportive, il est tenu de bien observer les textes légaux et réglementaires. Les affaires récemment apparues dans le sport démontrent que la situation liée au dopage est grave. Quelques médecins y ont eu un comportement répréhensible, ici trop souvent passif, là parfois même actif. Nul ne saurait désormais oublier ou négliger ses devoirs.